Abolition du franc CFA :Kemi Seba Mobilise
Comment peut-on encore accepter qu’un représentant du Trésor français siège aux réunions de la Banque centrale des États de l’Afrique centrale ?

Lors d’une conférence de mobilisation organisée récemment dans la capitale tchadienne, le militant panafricaniste a dénoncé avec vigueur les accords de coopération monétaire et militaire entre la France et les pays de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), qu’il qualifie d’ »accords de colonisation ». Selon lui, ces dispositifs perpétuent une forme de tutelle politique et économique postcoloniale.
« Comment peut-on encore accepter qu’un représentant du Trésor français siège aux réunions de la Banque centrale des États de l’Afrique centrale (BEAC) avec un droit de veto ? » s’insurge-t-il. « C’est une insulte à notre souveraineté. La moitié des réserves de change de la zone CEMAC sont encore déposées sur un compte du Trésor français. C’est tout simplement inacceptable. »

Face à cette situation, le militant panafricaniste plaide pour une transition maîtrisée vers une monnaie indépendante, avec un taux de change flexible adossé à un panier de devises. Il rejette les accusations de radicalisme et rappelle que son engagement s’étend sur plus de deux décennies.
« Cela fait 26 ans que je mène ce combat. Ce n’est pas une croisade improvisée. Personne ne parle de rupture brutale. Il s’agit de planifier, de construire une alternative viable pour l’avenir. »
Il cite comme exemple l’Afrique de l’Ouest, où des avancées notables ont été obtenues grâce aux mobilisations du Front anti-CFA et de l’ONG Urgences panafricanistes. Il rappelle notamment la fermeture du compte d’opération et la restitution des 50 % de réserves de change à la BCEAO, ainsi que l’exclusion du Trésor français des réunions de l’institution ouest-africaine.

Mais pourquoi une telle réforme ne semble-t-elle pas possible en Afrique centrale ? À cette question, le militant répond sans détour :
« Il y a une panique visible parmi les élites d’Afrique centrale. Chaque fois que nous tentons d’organiser des conférences ou des mobilisations, elles sont interdites. Au Cameroun, même une réunion dans un restaurant a été interdite pour des raisons fallacieuses. À Brazzaville, les services secrets nous ont arrêtés. On sent une hypersensibilité au moindre débat critique sur le franc CFA. »
Interrogé sur le silence apparent de l’Union africaine face à ces questions fondamentales, il se montre amer :
« L’Union africaine n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est majoritairement financée par des entités non africaines, ce qui l’empêche d’aborder sereinement des sujets liés à la souveraineté. Les peuples ne s’y reconnaissent plus. »

À ceux qui critiquent certains leaders panafricanistes – comme Nathalie Yamb ou Franklin Nyamsi – au motif qu’ils vivent en Europe ou possèdent une double nationalité, il répond avec fermeté :
« Ce genre d’arguments vient souvent de ceux qui n’ont pas les moyens de nous battre sur le terrain des idées. Le panafricanisme est né dans la diaspora, pas à Lomé ou à Bamako. Moi, je suis rentré en Afrique de mon plein gré en 2011. Je n’ai pas fui les responsabilités. Le combat se mène là où il est nécessaire. »
Malgré les menaces, les arrestations et les entraves, l’homme reste résolument optimiste quant à l’issue de ce combat pour l’émancipation monétaire :
« Il n’y a pas de victoire politique sans persécution. C’est le prix du changement. Comme le disait la mère de mes enfants : dans ‘sacrifice’, il y a ‘sacré’. »
Le franc CFA, ce vestige d’un autre siècle, reste un symbole de division et de lutte sur le continent africain. Mais à en croire Kemi une génération déterminée est désormais prête à faire basculer l’histoire.
Gloire et Honneur à Lui.