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Paul Biya remanie l’armée camerounaise à l’approche de l’élection présidentielle

À moins de trois mois de la présidentielle camerounaise, Paul Biya, 91 ans, bouleverse la haute hiérarchie militaire. En promouvant ses fidèles et en renforçant le pouvoir du redouté BIR, le président en place depuis plus de quatre décennies semble préparer minutieusement le terrain pour un huitième mandat controversé. Objectif ? Verrouiller l’appareil sécuritaire, récompenser les fidèles et prévenir toute tentative de coup d’État dans un climat de défiance grandissant. Ce coup de balai militaire en dit long sur les enjeux et les peurs du régime.

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À quelques mois du scrutin présidentiel prévu en octobre, le président Paul Biya procède à un vaste remaniement de la haute hiérarchie militaire. Une manœuvre que plusieurs observateurs qualifient de stratégique, alors que le chef de l’État brigue un huitième mandat.

Un timing révélateur

À 91 ans, Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982, ne semble pas prêt à passer la main. Deux jours après avoir officialisé sa candidature pour un huitième mandat, il a signé une série de décrets présidentiels réorganisant en profondeur la haute hiérarchie militaire du pays. Cette synchronisation entre annonce politique et réorganisation militaire ne passe pas inaperçue.

Selon plusieurs analystes politiques, ce remaniement vise à s’assurer de la loyauté absolue des forces armées, dans un contexte électoral qui s’annonce tendu. « C’est une stratégie classique d’un pouvoir qui veut verrouiller tous les leviers avant une élection contestée », explique un politologue basé à Douala.


Des changements majeurs dans toutes les branches

Les décrets présidentiels concernent quasiment toutes les composantes des forces armées camerounaises. Parmi les principales décisions :

  • La nomination de nouveaux chefs d’état-major pour l’infanterie, la marine et l’armée de l’air.
  • La promotion de huit généraux de brigade au grade de général de division.
  • Le remplacement du conseiller militaire spécial du président.

Ces changements ne relèvent pas uniquement de la routine administrative. Ils traduisent une volonté claire de restructurer l’appareil sécuritaire autour d’hommes sûrs, fidèles au président, et de renforcer les unités considérées comme piliers du régime.


Le rôle clé du BIR dans l’appareil sécuritaire

Parmi les promus figure notamment le coordinateur du Bataillon d’intervention rapide (BIR), une unité d’élite réputée pour sa puissance de feu et sa loyauté au pouvoir en place. Créée pour lutter contre le terrorisme, notamment dans le nord contre Boko Haram, cette force spéciale est aujourd’hui perçue comme l’un des garde-fous du régime Biya.

La montée en grade de son coordinateur renforce son influence, à un moment où l’équilibre entre sécurité intérieure et pouvoir politique devient crucial. « Le BIR, c’est l’épée et le bouclier du régime », affirme un journaliste camerounais sous anonymat.


Une armée au cœur de la politique

Ce n’est pas la première fois que Paul Biya se repose sur les forces armées pour consolider son pouvoir. Régulièrement accusé de gouverner par la peur et par la force, le chef de l’État camerounais semble plus que jamais décidé à impliquer l’armée dans le processus politique.

Ce remaniement intervient également dans un contexte de forte contestation interne, notamment au sein de la diaspora et des mouvements d’opposition, qui dénoncent une confiscation du pouvoir depuis plus de quatre décennies.


Vers une élection sous tension

À quelques semaines du lancement officiel de la campagne électorale, ce remodelage militaire est interprété comme une mise en garde implicite à toute tentative de remise en cause du scrutin à venir. Face à une opposition morcelée, mais de plus en plus active sur les réseaux sociaux et dans les cercles internationaux, Paul Biya semble vouloir garder l’avantage stratégique.

Reste à savoir si cette démonstration de puissance militaire suffira à contenir les frustrations sociales, économiques et politiques croissantes dans un pays où la jeunesse réclame de plus en plus une alternance.


La stabilité contre la démocratie ?

En remodelant son armée à la veille d’une élection cruciale, Paul Biya envoie un message fort : la stabilité du régime passe avant toute considération démocratique. Mais ce choix pourrait s’avérer risqué. Car plus que jamais, les Camerounais — en particulier les jeunes — attendent des réponses sur l’avenir de leur pays. La militarisation de la scène politique pourrait bien alimenter encore davantage leur désir de changement.

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