Les États-Unis à la conquête de l’AES : entre diplomatie stratégique et bataille d’influence au Sahel
La visite d’une délégation du Congrès américain à Bamako révèle un tournant majeur : Washington s’intéresse désormais de près à la Confédération des États du Sahel (AES). Face à la montée en puissance de cette alliance souverainiste et à la concurrence de la Russie et de la Chine, les États-Unis cherchent à établir un dialogue pragmatique avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso, dans l’espoir de ne pas être écartés du nouvel échiquier sahélien.

Bamako, 12 août 2025 – La rencontre entre le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, et une délégation du Congrès américain conduite par Michael McCabe Jr., a confirmé une réalité nouvelle : Washington courtise désormais la Confédération des États du Sahel (AES). Cette organisation, née de l’alliance entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, redessine l’équilibre géopolitique régional et impose aux grandes puissances de revoir leurs calculs.
L’AES, un acteur incontournable du Sahel
Depuis sa création en 2024, l’AES s’est affirmée comme une force politique et militaire capable de résister aux pressions extérieures et de rompre avec l’ordre ancien dominé par la France et ses alliés. Avec son Parlement confédéral en gestation et ses réformes sécuritaires, l’organisation place la souveraineté et l’indépendance stratégique au cœur de son action.
En reprenant le contrôle de larges portions de leurs territoires et en réorientant leurs partenariats vers de nouveaux acteurs comme la Russie, la Turquie ou la Chine, les pays de l’AES ont bouleversé les rapports de force dans la région.
Pourquoi les États-Unis s’intéressent à l’AES
Pour Washington, ignorer cette dynamique serait une erreur stratégique. deux raisons principales expliquent ce rapprochement :
- La lutte pour l’influence face à la Russie et la Chine
Le retrait progressif de la France a ouvert un vide géopolitique que Moscou et Pékin se sont empressés de combler. En courtisant l’AES, les États-Unis veulent éviter que cette zone hautement stratégique ne bascule totalement dans l’orbite russo-chinoise. - Les ressources et la connectivité économique
L’uranium nigérien, l’or burkinabè et malien, ainsi que les projets de corridors économiques vers l’Atlantique via le Bénin, le Togo et potentiellement le Maroc, attirent l’attention américaine. La maîtrise de ces routes et ressources conditionnera l’équilibre énergétique et économique mondial.
Un dialogue basé sur la souveraineté
Lors de la rencontre à Bamako, Abdoulaye Diop a rappelé avec fermeté que le Mali et ses partenaires de l’AES ne renonceront pas à leurs choix souverains. La coopération avec les États-Unis ne peut se faire qu’à condition de respecter l’indépendance politique et stratégique du bloc.
La délégation américaine, consciente du rapport de force, a assuré qu’elle respectait ces principes. Une posture qui traduit une évolution : Washington ne vient plus en donneur de leçons, mais en partenaire cherchant un terrain d’entente.
L’AES joue la carte de l’équilibre stratégique
Pour l’AES, cet intérêt américain représente une opportunité majeure. L’organisation peut désormais :
- Multiplier les partenariats pour éviter toute dépendance exclusive.
- Utiliser la rivalité des grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, Turquie, etc.) pour obtenir de meilleures conditions de coopération.
- Renforcer sa légitimité internationale, en prouvant que même les grandes puissances doivent composer avec elle.
Cette stratégie rappelle celle des pays non-alignés durant la Guerre froide : tirer profit de la compétition des blocs pour consolider leur indépendance.

Une bataille d’influence qui ne fait que commencer
L’intérêt affiché de Washington pour l’AES n’est qu’un prélude à une compétition diplomatique plus vaste. La question centrale sera de savoir si les États-Unis sauront respecter leurs promesses de partenariat équilibré, ou s’ils chercheront, à terme, à imposer leur agenda.
De leur côté, le Mali, le Niger et le Burkina Faso semblent déterminés à maintenir le cap : celui d’une confédération souveraine, maîtresse de ses choix et capable de dialoguer avec tous sans se soumettre à personne.