Burkina Faso : Révélations de Umaro Sissoco Embaló sur la chute de Damiba
Le 30 septembre 2022, le Burkina Faso connaît un nouveau coup d’État. Le lieutenant-colonel Damiba est renversé par le capitaine Ibrahim Traoré. Dans une interview exclusive, le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló révèle les coulisses de cette transition et son rôle discret mais décisif. Entre confidences politiques et quête de reconnaissance, retour sur un épisode marquant de l’histoire du Sahel.

Le 30 septembre 2022 restera à jamais gravé dans la mémoire du peuple burkinabè. Ce jour-là, des soldats cagoulés prennent position dans les rues de Ouagadougou. Le palais présidentiel est encerclé, la télévision nationale cesse d’émettre, et les tirs d’armes automatiques résonnent dans la capitale. Un nouveau coup d’État est en cours : le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba est renversé.
Mais ce que peu savaient jusqu’à récemment, c’est l’implication d’un acteur-clé dans les coulisses de cette transition : Umaro Sissoco Embaló, président de la Guinée-Bissau et ex-président en exercice de la CEDEAO. Dans une interview accordée à un média, il lève le voile sur les événements qui ont secoué le Burkina Faso, le Mali et plus largement l’Alliance des États du Sahel (AES).
Une opération menée avec précision et discrétion
Selon Umaro Sissoco Embaló, le capitaine Ibrahim Traoré, désormais président du Burkina l’avait contacté au moment critique. « Il m’a appelé et m’a dit : « Grand frère, il faut que Damiba sorte. On ne veut pas le fusiller. S’il part pour l’aéroport, rien ne lui arrivera. » » Embaló raconte avoir immédiatement appelé Damiba pour l’alerter de la situation et l’inciter à quitter les lieux.
Dans les heures qui suivront, Damiba sera évacué discrètement vers l’aéroport, escorté par trois capitaines de l’armée burkinabè et un membre de la sécurité. L’ancien chef d’État sera ensuite exfiltré au Togo.
Une dynamique régionale orchestrée dans l’ombre
Mais Embaló ne s’est pas contenté de jouer les médiateurs au Burkina Faso. Il affirme également avoir été un acteur clé dans les transitions militaires au Mali, notamment lors du second coup d’État ayant porté le colonel Assimi Goïta au pouvoir.
Lorsque l’ancien président malien Bah N’Daw a décidé de limoger le ministre de la Défense – probablement Sadio Camara – et le ministre de l’Intérieur, Goïta, alors vice-président, aurait contacté Embaló. « Il m’a dit : « Grand frère, dis à notre père de ne pas faire ça, ce ne sera pas bon pour l’unité. » » Embaló a alors tenté de convaincre le président N’Daw de revenir sur sa décision. Devant son refus, il dit avoir averti Goïta : « Faites ce que vous avez à faire. »
Quelques jours plus tard, le président N’Daw sera lui aussi renversé.
Des relations devenues tendues avec l’AES
Si Embaló évoque aujourd’hui ces événements, c’est peut-être aussi pour exprimer un certain regret. « Je suis le premier à avoir soutenu ces jeunes militaires. Je suis allé au Mali quand tout le monde critiquait. Aujourd’hui, nos relations sont tendues, et cela me peine. »
Le président bissau-guinéen précise qu’il n’a jamais eu de lien étroit avec le général Abdourahamane Tiani du Niger, mais qu’ils ont échangé par téléphone. Il souligne surtout son rôle de facilitateur dans une période troublée pour l’Afrique de l’Ouest, affirmant : « J’ai été utile, même si certains aujourd’hui préfèrent l’oublier. »
La quête de reconnaissance d’un acteur-clé
En exposant ainsi publiquement les dessous de ces coups d’État, Embaló semble vouloir inscrire son nom dans l’histoire comme celui d’un stratège de l’ombre, d’un médiateur incontournable dans les bouleversements qui ont redessiné la carte politique de la région.
Il ne se contente pas de revendiquer un rôle diplomatique : il veut être reconnu comme l’un des artisans d’un tournant historique pour le Sahel.
Vers une rupture avec la Françafrique ?
Ces révélations s’inscrivent dans un contexte de rupture entre les États de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger) et leurs anciens partenaires occidentaux, notamment la France. Les discours d’amitié d’hier ont laissé place à des tensions grandissantes, alors que les peuples de ces nations aspirent à une souveraineté pleine et entière, affranchie des tutelles héritées de la colonisation.
Cette volonté d’autodétermination dérange. Elle explique en partie pourquoi certains leaders africains, hier courtisés, sont aujourd’hui marginalisés dans les sphères diplomatiques traditionnelles.
Conclusion
En livrant ces confidences, Umaro Sissoco Embaló ne cherche pas uniquement à relater des faits. Il revendique une place dans l’histoire de l’Afrique contemporaine, aux côtés des jeunes chefs militaires qui redessinent le futur de leurs pays.
Et vous, que pensez-vous de ces révélations ? Ces interventions étaient-elles justifiées ? L’histoire jugera. En attendant, l’Afrique poursuit sa marche vers un avenir qu’elle veut désormais écrire seule.