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Comment Julius Maada Bio a évincé Diomaye Faye et pris la présidence à la surprise générale

Exclusif – Alors que tout semblait acquis pour Bassirou Diomaye Faye, c’est finalement Julius Maada Bio qui a arraché, à la dernière minute, la présidence de la CEDEAO. Un retournement spectaculaire qui révèle les fractures profondes entre États francophones et anglophones en Afrique de l’Ouest. Découvrez dans notre analyse exclusive les coulisses de ce coup de théâtre.

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À la surprise générale, le président de la Sierra Leone, Julius Maada Bio, a été désigné à la tête de la CEDEAO lors du sommet d’Abuja, au détriment du favori, le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye. Un coup de théâtre qui provoque la colère des États francophones.


Abuja, 23 juin 2025. Le sommet des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui devait consacrer l’arrivée du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye à la présidence tournante de l’organisation, s’est soldé par une surprise de taille : c’est finalement Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, qui a été désigné. Ce revirement inattendu, qualifié en coulisses de « hold-up institutionnel », fait grincer des dents au sein du bloc francophone, déjà fragilisé par les tensions régionales et les crises politiques récurrentes.

Une élection jouée d’avance… jusqu’au dernier moment

Le président de la Sierra Leone, Julius Maada Bio, désigné.

Depuis plusieurs semaines, les capitales ouest-africaines s’étaient préparées à voir le jeune président sénégalais, élu en mars dernier, prendre la tête de la CEDEAO. Son profil, consensuel et rénovateur, était vu comme une chance pour réconcilier une institution affaiblie par les départs fracassants du Mali, du Burkina Faso et du Niger, regroupés désormais au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES). Diomaye Faye apparaissait comme l’homme du dialogue et du renouveau, capable de relancer une CEDEAO en perte de crédibilité.

Selon plusieurs sources diplomatiques, son élection ne faisait plus aucun doute. Les engagements avaient été pris, les accords scellés. Le président sénégalais avait même modifié son agenda pour se rendre à Abuja dès le 21 juin, persuadé qu’il repartirait investi.

Mais entre le samedi soir et le dimanche matin, tout a changé. Dans les couloirs feutrés de l’hôtel Transcorp Hilton, les alliances ont volé en éclats. Julius Maada Bio, appuyé par un noyau dur de présidents anglophones (Nigeria, Ghana, Gambie), aurait réussi à inverser la tendance grâce à un intense lobbying de dernière minute.

Une fracture linguistique et politique

Pour les États francophones, c’est un camouflet. « Ce n’est pas seulement une question de personne, c’est une humiliation collective », confie un diplomate ouest-africain, sous couvert d’anonymat. Derrière cette manœuvre, beaucoup voient un retour en force du bloc anglophone au sein d’une CEDEAO déjà secouée par les départs des États du Sahel.

Le choix de Julius Maada Bio, président contesté dans son propre pays et réélu dans des conditions opaques, n’est pas neutre. Pour nombre d’observateurs, il symbolise la volonté des puissances anglophones, notamment du Nigeria, de verrouiller la direction de l’organisation face à la montée des voix souverainistes et francophones, incarnées par Diomaye Faye et ses alliés.

Le président sénégalais, qui représentait un souffle panafricain nouveau, porté par une jeunesse mobilisée contre la Françafrique mais aussi critique envers la CEDEAO « néolibérale et docile », n’aura pas eu l’occasion de transformer l’essai.

Vers une CEDEAO à deux vitesses ?

Ce coup de théâtre relance la question de la légitimité et de l’utilité d’une CEDEAO de plus en plus désunie. Déjà, le Mali, le Burkina Faso et le Niger dénonçaient une organisation inféodée aux intérêts occidentaux, notamment français. Avec cet épisode, c’est désormais le Sénégal – pilier historique de la CEDEAO – qui semble désabusé.

L’Afrique de l’Ouest s’oriente-t-elle vers une fracture institutionnelle durable ? D’un côté, une CEDEAO dominée par les États anglophones, recentrée sur le maintien du statu quo. De l’autre, une dynamique panafricaniste impulsée par l’AES et des figures comme Diomaye Faye, Thomas Sankara en héritage.

Un signal d’alerte pour les peuples ouest-africains

Ce qu’il s’est passé à Abuja dépasse les jeux de pouvoir entre chefs d’État. C’est un signal d’alarme pour les citoyens ouest-africains : la CEDEAO semble plus que jamais prisonnière de ses contradictions, coupée des aspirations des peuples et aveuglée par des stratégies de court terme.

Le hold-up institutionnel de Julius Maada Bio pourrait bien précipiter une perte de confiance définitive dans une organisation censée incarner l’intégration et la solidarité régionales. Et redonner, paradoxalement, encore plus de crédit à ceux qui, du Sahel aux rives atlantiques, réclament une refondation complète du projet ouest-africain.

Source : Africa

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