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Deux mois après sa nomination, l’émissaire de l’Union africaine toujours attendu à Ouagadougou

Deux mois après la désignation du président burundais Évariste Ndayishimiye comme envoyé spécial de l’Union africaine pour le Sahel, le capitaine Ibrahim Traoré dénonce l’hostilité de l’organisation panafricaine envers le Burkina Faso. Alors que la région traverse l’une des crises les plus profondes de son histoire, la méfiance entre les pays du Sahel et l’Union africaine ne cesse de s’accentuer.

Deux mois après sa nomination, l’émissaire de l’Union africaine toujours attendu à Ouagadougou

Une nomination censée relancer le dialogue avec le Sahel

Le 17 juillet 2025, l’Union africaine (UA) a nommé Évariste Ndayishimiye, président du Burundi, comme envoyé spécial pour le Sahel.
Une décision stratégique censée redonner un second souffle au dialogue entre Addis-Abeba et les pays du Sahel — le Mali, le Burkina Faso et le Niger — aujourd’hui regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Mais depuis cette annonce, aucun contact officiel n’a été établi avec Ouagadougou, et la mission de l’émissaire reste floue.


Ibrahim Traoré dénonce l’hostilité de l’Union africaine

Dans une interview fleuve accordée récemment à la télévision nationale burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré a fustigé l’attitude de l’Union africaine, qu’il accuse d’entretenir une hostilité silencieuse envers son pays et, plus largement, envers les administration du Sahel.

Pour le chef de l’État, l’organisation panafricaine ne traite pas les pays du Sahel sur un pied d’égalité. Les critiques répétées contre les transitions militaires, sans reconnaissance des efforts de stabilisation engagés par les peuples du Sahel, sont perçues à Ouagadougou comme une forme d’arrogance institutionnelle.


Une région à la croisée des chemins

Depuis les coups d’État successifs au Mali (2020), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023), les trois pays ont rompu avec la CEDEAO, dénonçant une organisation devenue “instrument des puissances étrangères”.
Les nouvelles autorités ont choisi de refonder leur coopération autour de l’AES, avec pour priorité la sécurisation du territoire, la souveraineté économique et la reconstruction politique sur des bases endogènes.

Pourtant, le fossé entre ces États et l’Union africaine s’élargit.
Alors que l’UA continue de plaider pour un retour rapide à un régime civil, les gouvernements de transition affirment qu’aucune élection ne peut avoir lieu tant que la sécurité des populations n’est pas garantie.


Une Union africaine en perte d’influence au Sahel

La lenteur de l’UA à réagir, combinée à son manque de présence sur le terrain, nourrit une perception d’inefficacité institutionnelle.
Les pays de l’AES estiment que l’Union africaine s’est alignée sur les positions des anciennes puissances coloniales, notamment la France, et qu’elle ne comprend pas la logique révolutionnaire des transitions sahéliennes.

Aujourd’hui, ce vide diplomatique est comblé par de nouveaux partenaires, notamment la Russie, la Chine, la Turquie ou encore l’Iran, qui proposent une coopération fondée sur la non-ingérence et le respect de la souveraineté.
Face à cette recomposition géopolitique, la mission confiée à Ndayishimiye ressemble déjà à un pari risqué pour l’UA : regagner une légitimité politique sans apparaître comme une marionnette des intérêts étrangers.


Un symbole de la fracture africaine

L’absence de l’émissaire à Ouagadougou, plus de deux mois après sa nomination, devient un symbole de la fracture grandissante entre deux visions de l’Afrique :

  • Celle d’une Union africaine institutionnelle, tournée vers les modèles occidentaux de gouvernance ;
  • Et celle d’une Afrique insurgée, portée par les régimes du Sahel, qui revendiquent une indépendance totale dans la conduite de leur destin.

Cette fracture n’est pas seulement politique — elle est idéologique et civilisationnelle.
Le Sahel réclame une Afrique des peuples, là où l’Union africaine semble encore défendre une Afrique des chancelleries.


Enfin : entre défi diplomatique et tournant historique

Deux mois après sa nomination, Évariste Ndayishimiye n’a toujours pas foulé le sol de Ouagadougou, Bamako ou Niamey.
Son silence alimente les critiques et donne raison à ceux qui estiment que l’Union africaine a perdu le contact avec les réalités du continent.
Pourtant, sa mission pourrait être une occasion historique de réconcilier souveraineté , sécurité et justice, peuples et institutions.

Mais à ce stade, comme l’a rappelé le capitaine Ibrahim Traoré, le Sahel n’attend plus des discours, mais des actes concrets.
L’Afrique, elle aussi, retient son souffle.

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