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Guerre de l’Information : Pourquoi l’Afrique Doit Créer Ses Propres Médias pour Défendre sa Souveraineté

Depuis plus d’un demi-siècle, l’Afrique est plongée dans une guerre silencieuse : celle de l’information. Dans un monde où les médias sont devenus des armes diplomatiques, le continent reste prisonnier des récits étrangers. Cette dépendance médiatique fragilise sa souveraineté et son développement. Pour Nanou Fabrice, consultant en communication politique, il est urgent que l’Afrique s’émancipe de cette tutelle narrative.

Alassane Ouattara – le visage caché de la guerre médiatique AES et élections CI

Analyse de Nanou Fabrice, consultant en communication politique

L’Afrique, grande absente de la guerre médiatique mondiale

Depuis le milieu du XXe siècle, le continent africain se trouve au cœur d’un paradoxe : il est à la fois la cible principale de la guerre informationnelle mondiale et son acteur le plus passif.
Cette situation n’est pas fortuite. Elle résulte d’une défaite stratégique historique et d’un retard technologique structurel.
Tandis que les grandes puissances ont investi massivement dans la communication, l’Afrique, elle, a laissé ce levier stratégique entre les mains des autres.


Quand les médias deviennent des instruments diplomatiques

En novembre 2023, la directrice générale de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, était reçue par le président ivoirien Alassane Ouattara à Abidjan.
Cette rencontre faisait suite à la suspension de RFI et France 24 dans plusieurs pays du Sahel : Burkina Faso, Mali et Niger.
Alors que Ouattara plaidait pour un retour à la normale au nom du « droit à l’information », les autorités sahéliennes dénonçaient, elles, une ingérence médiatique étrangère.
Deux visions s’opposent donc :

  • celle d’une Côte d’Ivoire conciliante et diplomatique,
  • et celle d’un Sahel souverain et résistant.

Ces divergences traduisent une réalité incontournable : les médias ne sont jamais neutres. Ils sont des instruments de pouvoir au service des intérêts géopolitiques de leurs États d’origine.


France Médias Monde et TV5 Monde : le soft power à visage francophone

France Médias Monde regroupe trois médias d’influence :

  • France 24, chaîne d’information multilingue ;
  • RFI, radio internationale émettant en 14 langues ;
  • Monte Carlo Doualiya, radio arabophone active au Moyen-Orient.

Ces médias, officiellement « indépendants », relèvent pourtant du ministère français des Affaires étrangères.
Leur mission est claire : défendre les intérêts diplomatiques et culturels de la France à l’international, notamment en Afrique.

De même, TV5 Monde, financée par la France, le Canada, la Suisse, la Belgique, le Québec et Monaco, a pour but affiché de « faire rayonner la francophonie ».
Mais derrière cette noble ambition se cache un enjeu géopolitique majeur : le contrôle des récits africains et l’entretien d’une influence idéologique durable.


Les États africains face à la domination narrative occidentale

Les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont choisi la rupture avec ce modèle.
Pour eux, la domination ne passe plus par les armes, mais par les images, les mots, les récits.
En suspendant les médias occidentaux accusés de partialité, ces États affirment leur volonté de décoloniser l’information, un combat déjà évoqué depuis le rapport MacBride de 1980.

Comme le souligne Nanou Fabrice :

« La communication est une arme redoutable. Celui qui contrôle le récit, contrôle la perception. Et celui qui contrôle la perception, finit par contrôler le pouvoir. »


Pourquoi l’Occident investit massivement dans les médias africains

Les puissances occidentales n’investissent pas par philanthropie dans les médias tournés vers l’Afrique.
Dans une guerre économique mondialisée, informer, c’est influencer, et influencer, c’est dominer.
À travers RFI, France 24 ou TV5 Monde, ces États façonnent la perception du continent africain, sélectionnent les sujets, hiérarchisent les priorités et diffusent des valeurs qui servent leurs intérêts économiques et stratégiques.


Pour une souveraineté informationnelle africaine

L’Afrique doit cesser d’être un consommateur passif d’informations produites ailleurs.
Elle doit créer, financer et protéger ses propres médias panafricains, dotés de lignes éditoriales claires, de rédactions indépendantes et d’une vision de développement tournée vers la souveraineté.

Selon Nanou Fabrice, cela passe par :

  • le renforcement des médias africains existants ;
  • la coopération entre États et diasporas pour bâtir des réseaux d’influence continentaux ;
  • et la formation d’une nouvelle génération de journalistes africains conscients de leur mission historique.

Le monde n’écoute pas les faibles, mais les puissances

La scène internationale n’a pas de place pour les lamentations. Elle ne reconnaît que le rapport de force.
Les grandes nations – Chine, Russie, États-Unis – ont bâti leur puissance sur la maîtrise du discours.
L’Afrique doit, à son tour, comprendre le langage cynique du monde et s’imposer dans la bataille des récits.


Conclusion : raconter notre vérité au monde

L’heure n’est plus à la plainte, mais à l’action.
Créer nos médias, c’est affirmer notre indépendance.
C’est dire notre vérité, nos réalités, nos rêves, sans filtres imposés.
Comme le conclut Nanou Fabrice :

« La souveraineté médiatique est la première pierre de la souveraineté politique. L’Afrique doit parler d’elle-même, pour elle-même et au monde. »

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