Le Bénin invite l’AES, mais le fossé reste profond
À l’occasion de son 65e anniversaire d’indépendance, le Bénin a lancé une invitation symbolique à plusieurs pays de la sous-région, dont des membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), pour un défilé militaire à Cotonou. Mais derrière ce geste diplomatique se cachent des tensions persistantes qui rendent peu probable la participation du Niger et du Burkina Faso. Cette célébration, censée marquer l’unité, pourrait au contraire révéler les fractures d’une Afrique de l’Ouest en pleine recomposition.

À l’occasion de ses 65 ans d’indépendance, le Bénin tend la main à ses voisins, y compris à des États membres de l’Alliance des États du Sahel. Mais derrière le geste symbolique se cachent des tensions encore palpables, qui rendent peu probable une réponse favorable de ces derniers.
Alors que le Bénin s’apprête à célébrer son 65e anniversaire d’indépendance, le gouvernement de Patrice Talon a lancé une initiative audacieuse : inviter plusieurs pays voisins à participer à un défilé militaire conjoint prévu à Cotonou. Parmi les destinataires de cette invitation figurent notamment deux pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), probablement le Niger et le Burkina Faso.
À première vue, l’invitation semble être un geste diplomatique fort, une tentative d’ouverture en faveur du dialogue régional. Pour le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, il s’agit d’un appel à la fraternité. « Nous sommes des frères, nos populations partagent les mêmes racines de part et d’autre des frontières », a-t-il affirmé. Deux pays ont déjà confirmé leur participation, mais c’est bien la réponse de l’AES qui suscite l’attention.
Une fracture politique difficile à masquer
Si l’initiative béninoise se veut rassembleuse, elle ne peut toutefois masquer les profonds clivages qui existent entre le Bénin et les membres de l’AES. Depuis la rupture entre l’AES et la CEDEAO – dont le Bénin reste un membre influent – les relations sont devenues particulièrement tendues. Les dirigeants de l’Alliance ont accusé certains pays côtiers, dont le Bénin, de jouer un rôle ambigu dans la crise qui secoue l’espace ouest-africain.
À cela s’ajoutent les accusations de soutien indirect à des opérations hostiles contre l’AES ou encore des allégations d’obstruction au commerce transfrontalier. Le climat de méfiance est tel qu’il est peu probable que les chefs d’État de l’Alliance effectuent le déplacement à Cotonou. Une absence qui, si elle se confirme, ne fera que souligner la profondeur du fossé qui s’est creusé entre les anciens partenaires régionaux.
Une ouverture saluée mais peu convaincante
Malgré ces tensions, le Bénin persiste dans son discours d’apaisement. Le gouvernement béninois espère que cette célébration conjointe puisse symboliser une volonté de paix partagée. Toutefois, en l’absence de gestes concrets de réconciliation mutuelle ou de négociations diplomatiques formelles, l’invitation ressemble davantage à une tentative de communication qu’à un véritable pont vers la coopération.
La participation du Niger ou du Burkina Faso – ou même la simple présence de représentants militaires – serait un signe fort. Mais à l’heure actuelle, rien ne semble indiquer une réponse favorable. Au contraire, les signaux envoyés ces derniers mois par les régimes de l’AES laissent entendre une volonté de distanciation assumée vis-à-vis des États perçus comme fidèles à l’ordre Ouest-Africain ancien.
Un symbole en suspens
Au final, le 65e anniversaire de l’indépendance du Bénin pourrait bien refléter, malgré lui, l’état de fragmentation du bloc Ouest-africain. L’événement, censé rassembler, risque de révéler les lignes de fracture d’une région en pleine recomposition politique. En tendant la main, le Bénin prend un risque diplomatique : celui d’un refus ou d’un silence, qui enverrait un signal inverse à celui de l’unité souhaitée.
Enfin
L’invitation du Bénin à ses voisins sahéliens est sans conteste un geste louable. Mais elle se heurte à une réalité politique plus brutale : celle de la défiance, de l’isolement stratégique, et des visions divergentes sur l’avenir de la région. La probable absence des représentants de l’AES à Cotonou est moins une surprise qu’un rappel du chemin qui reste à parcourir pour espérer une vraie réconciliation.