Le panafricanisme comme solution face aux équilibres géopolitiques : l’analyse du Dr Aké Dieudonné lors de la conférence SOPACI
Lors d’une conférence organisée par la Solidarité Panafricaniste de Côte d’Ivoire (SOPACI) et coordonnée par Danon Éric, le Dr Aké Dieudonné a exposé sa vision du panafricanisme comme levier stratégique pour l’Afrique face aux défis géopolitiques actuels. De l’impérialisme dans nos assiettes à la dispersion culturelle, en passant par la nécessité de transformer les matières premières et d’unir les États africains, l’orateur a rappelé l’importance de la culture, de l’éducation et de la solidarité pour assurer l’avenir du continent.

L’Afrique est aujourd’hui confrontée à des défis historiques et contemporains qui menacent sa souveraineté, sa culture et son développement. Pour comprendre ces enjeux, il faut d’abord se pencher sur la manière dont le continent a été façonné par l’histoire, les rapports de force internationaux et l’influence culturelle.
Le Dr Aké Dieudonné est une figure charismatique et fervent défenseur de la conscience africaine, est un acteur majeur des réflexions contemporaines sur l’identité et l’histoire du peuple noir. Son parcours, à la croisée des chemins entre spiritualité ancestrale et quête de vérité historique, illustre un engagement profond pour l’éveil des consciences africaines.
1. L’Afrique : terrain de compétition et d’influence
L’Afrique est restée, jusqu’à ce jour, un terrain de compétition pour les matières premières, les bases militaires et l’influence culturelle. L’impérialisme s’invite jusque dans nos assiettes : certains Africains ayant réussi adoptent des modes alimentaires et vestimentaires importés, délaissant leur culture traditionnelle.
Dès l’école, on nous a appris à avoir honte de nos langues et traditions. Les enfants qui parlaient leur langue maternelle se voyaient imposer des symboles humiliants, tandis qu’on leur répétait que parler français était une marque de réussite. Ce mécanisme a façonné des générations d’Africains coupés de leur culture, incapables de transmettre leur patrimoine à leurs enfants.


2. L’économie africaine : vendre ou transformer ?
Même si l’on augmentait le prix de nos matières premières, le problème de l’Afrique ne réside pas dans leur valorisation sur le marché mondial, mais dans l’absence de transformation locale. Prenons l’exemple du bois : vendre les billes exportées génère peu d’emplois et détruit les forêts. Par contre, exploiter les écorces, feuilles et fruits pour fabriquer des produits pharmaceutiques ou artisanaux créerait des milliers d’emplois et de la richesse durable.
La même logique s’applique à l’uranium, au cacao ou au coton : il ne suffit pas de vendre nos ressources brutes, il faut les transformer et créer des chaînes de valeur locales. L’Afrique ne s’en sortira que lorsqu’elle maîtrisera sa production et son industrie.


3. L’absence de stratégie commune
Les États africains agissent souvent de manière individuelle, au détriment de l’intérêt régional. Contrairement aux États-Unis, où plusieurs États parlent d’une seule voix pour le bien commun, chaque pays africain négocie seul, facilitant la domination des puissances étrangères. L’unité est essentielle : unis, nous sommes forts ; divisés, l’ennemi l’emporte.
L’Union africaine, malgré ses ambitions, souffre de financements extérieurs qui compromettent son indépendance. Comment négocier pour l’Afrique quand les bailleurs de fonds étrangers siègent dans vos réunions ? Il est impératif que les États africains définissent eux-mêmes leurs stratégies et financent leurs institutions.

4. Panafricanisme : origine et sens stratégique
Le panafricanisme trouve ses racines bien avant le premier Congrès de Londres. Bien qu’il ait été fortement structuré et médiatisé à la fin du XIXᵉ siècle par les intellectuels afro-américains et caribéens de la diaspora. Il s’agit d’un mouvement intellectuel, culturel et politique destiné à unir les peuples d’origine africaine contre l’esclavage, le racisme et la colonisation.
4.1 Les principes du panafricanisme
- Intellectuel : ses fondateurs étaient cultivés, attachés à leur histoire et à leur culture.
- Culturel : il s’agit de préserver et valoriser l’identité africaine.
- Politique : le mouvement vise à créer des alliances et des stratégies pour l’émancipation des peuples noirs.
Le panafricanisme ne se limite pas à une appartenance religieuse ou ethnique : il est destiné à tous les Africains de peau noire, qu’ils soient sur le continent ou dans la diaspora, pour construire un avenir de liberté et de prospérité.
4.2 Les fondateurs et premières étapes
- Henry Sylvester Williams (Trinidad et Tobago) : fondateur de l’African Association, organisateur du premier congrès panafricain à Londres en 1900.
- William Edward Burghardt Du Bois (USA) : sociologue et militant, organisateur de plusieurs congrès panafricains à partir de 1919.
Ces pionniers étaient des intellectuels et des autodidactes qui ont uni les peuples noirs autour d’une lutte pour la liberté, la dignité et la prospérité.


5. L’éthique du panafricanisme
Être panafricain implique une discipline personnelle et sociale. L’excès d’alcool ou le comportement ostentatoire ne font pas partie de cette vision : il faut inspirer par l’exemple, respecter ses traditions et valoriser son histoire. La connaissance du passé est essentielle pour construire un avenir solide et conscient.
Le panafricanisme rappelle que tous les noirs dispersés dans le monde constituent un seul peuple, unis par une histoire et un destin commun. La lutte pour la liberté et la prospérité doit se faire ensemble, sans divisions religieuses ou ethniques.
6. Conclusion : l’unité comme levier
L’Afrique a été fragmentée par le colonialisme et ses héritages. Pour véritablement maîtriser ses ressources, son destin et son identité, elle doit :
- Valoriser ses matières premières par la transformation locale.
- Créer des stratégies communes entre États pour parler d’une seule voix face aux puissances étrangères.
- Se reconnecter avec sa culture et son histoire pour inspirer les générations futures.
- Adopter le panafricanisme comme mouvement d’unité intellectuelle, culturelle et politique.
Unis, les Africains peuvent bâtir un continent prospère et souverain. Divisés, ils restent vulnérables à la domination extérieure. L’heure est à la prise de conscience, à l’action et à l’unité.

