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Le rôle d’Ali Bongo dans la chute de Kadhafi : une histoire à ne pas oublier

En 2011, Le Gabon, dirigé par Ali Bongo, complice indirect de l’assassinat du leader libyen. Que s’est-il réellement passé ? Retour sur une décision controversée aux conséquences dramatiques pour l’Afrique.

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Le 20 octobre 2011, le guide libyen Mouammar Kadhafi est assassiné à Syrte dans des conditions atroces, après des mois de guerre civile et d’intervention étrangère. Officiellement justifiée par la nécessité de protéger les civils, l’intervention de l’OTAN a marqué un tournant sanglant dans l’histoire du monde arabe et de l’Afrique. Ce que l’on sait moins, c’est que certains pays africains, dont le Gabon d’Ali Bongo, ont indirectement contribué à cette issue tragique. Retour sur un épisode méconnu mais capital de la géopolitique africaine contemporaine.


Histoire : comment la Libye de Kadhafi est devenue la cible de l’Occident

La Libye, un État atypique et influent

Avant sa chute, la Libye de Kadhafi était un État fort, doté de ressources naturelles immenses, d’un système social unique en Afrique, et d’une diplomatie panafricaine ambitieuse. Kadhafi rêvait d’une Afrique unie, indépendante de la France, des États-Unis et des institutions financières occidentales. Il finançait des projets d’intégration continentale, avait proposé une monnaie unique africaine indexée sur l’or, et voulait créer un Fonds monétaire africain pour se libérer de la domination du FMI et de la Banque mondiale.


Le Gabon d’Ali Bongo : complice silencieux de l’assassinat de Kadhafi ?

Un vote décisif

En mars 2011, le Gabon, alors membre non permanent du Conseil de sécurité, vote en faveur de la résolution 1973 qui autorise une intervention militaire internationale en Libye. Cette décision donne carte blanche à l’OTAN pour bombarder les forces de Kadhafi. À l’époque, très peu de voix africaines s’élèvent pour dénoncer cette décision. Robert Mugabe, président du Zimbabwe, est l’un des rares chefs d’État à condamner ouvertement cette opération, qu’il qualifie de « terrorisme d’État sous drapeau de l’humanitaire ».

Ali Bongo se justifie… après coup

En 2016, Ali Bongo est interrogé sur son rôle dans cette décision historique. Sa défense est confuse : il affirme que Kadhafi « tirait sur son peuple », que l’intervention était nécessaire, et que la chute du dirigeant libyen est une « conséquence de sa politique, pas de la résolution onusienne ». Pourtant, les preuves d’un massacre à grande échelle par Kadhafi n’ont jamais été établies avec clarté, et beaucoup d’observateurs estiment aujourd’hui que le récit occidental était largement exagéré voire fabriqué.

Le poids des intérêts personnels et diplomatiques

Ali Bongo révèle qu’avant son élection à la présidence du Gabon, Kadhafi avait proposé de soutenir sa campagne à condition qu’il cesse de soutenir Jean Ping à la tête de la Commission de l’Union africaine. Ce marchandage montre l’existence de jeux d’influence souterrains, où les intérêts personnels ont parfois primé sur les intérêts du continent africain.


Les conséquences dramatiques de l’intervention en Libye

Un État en ruines

Depuis 2011, la Libye est plongée dans un chaos permanent. Le pays est devenu un terrain de guerre entre milices rivales, un hub de traite humaine en Méditerranée, et un sanctuaire pour des groupes terroristes. Le « modèle Kadhafi », à bien des égards, a laissé place à l’anarchie.

Une contagion régionale

Comme l’a reconnu Ali Bongo lui-même, la chute de Kadhafi a eu des effets déstabilisateurs dans toute la région du Sahel : la prolifération des armes, le retour des mercenaires touaregs au Mali, la montée en puissance de Boko Haram au Nigeria, et l’instabilité chronique au Niger et au Tchad en sont des conséquences directes ou indirectes. Ce que certains qualifient aujourd’hui de « désintégration du Sahel » a commencé en Libye.


Une leçon d’histoire pour les dirigeants africains

L’indépendance africaine sacrifiée sur l’autel des intérêts étrangers

Le vote du Gabon en 2011 illustre une faillite collective des élites africaines face aux pressions occidentales. Au lieu de défendre la souveraineté africaine, certains dirigeants ont choisi de se ranger du côté de l’OTAN, cautionnant une opération qui n’avait rien d’humanitaire.

La mémoire de Kadhafi réhabilitée ?

Si Kadhafi n’était pas un « enfant de chœur », comme le reconnaissent même ses opposants, il était sans conteste un dirigeant visionnaire en matière de souveraineté africaine. De plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui pour rappeler que son élimination a été moins un acte de justice qu’un acte de guerre géopolitique contre un leader trop indépendant.


Conclusion : Ali Bongo, un pion dans une partie qui le dépassait ?

L’histoire jugera. Mais ce que l’on peut affirmer sans hésitation, c’est que le Gabon, sous Ali Bongo, a participé à un tournant historique aux conséquences désastreuses pour l’Afrique. Que ce soit par conviction ou par opportunisme, le choix d’approuver la résolution contre la Libye restera une tâche sur l’héritage diplomatique gabonais. Comme le disait si bien Robert Mugabe : « Ils ne voulaient pas protéger les civils, ils voulaient éliminer Kadhafi. » Le silence complice de certains dirigeants africains, dont Ali Bongo, a rendu ce projet possible.

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