Le Tchad à la croisée des chemins : pourquoi son adhésion à l’Alliance des États du Sahel (AES) tarde encore
En août 2025, la visite officielle du président tchadien au Niger a relancé les spéculations autour d’une éventuelle adhésion du Tchad à l’Alliance des États du Sahel (AES). Si l’intention politique est manifeste, plusieurs conditions et obstacles freinent encore cette intégration stratégique.

Une visite hautement symbolique à Niamey
En ce début du mois d’août 2025, l’avion présidentiel tchadien a atterri à Niamey pour une visite officielle marquée par des honneurs militaires, des danses traditionnelles et un accueil chaleureux de la part du président nigérien. L’événement a été présenté comme plus qu’un simple déplacement protocolaire.
Le chef de l’État tchadien a affirmé devant la presse :
« Ma présence ici s’inscrit dans une vision claire, celle de la souveraineté, d’une Afrique qui se réveille et qui décide de prendre en main son destin. Nous n’avons de comptes à rendre qu’à nos peuples. »
Un discours fort, perçu comme une rupture avec les anciennes allégeances à la Françafrique, et une déclaration d’intention vers un rapprochement avec l’AES.
Le Tchad, un acteur stratégique incontournable
Situé au cœur du continent, le Tchad occupe une position géopolitique charnière. Son rôle militaire dans la lutte contre le terrorisme au Sahel en fait un partenaire convoité. Selon des sources proches du ministère tchadien de la Défense, des négociations sont déjà en cours pour implanter à N’Djamena un centre de coordination de l’AES, chargé de la surveillance des frontières et du partage de renseignements.
Cette démarche montre que l’intégration tchadienne ne se limite pas à des déclarations politiques, mais qu’elle s’inscrit dans une logique de coopération sécuritaire réelle.
Pourquoi l’adhésion tarde-t-elle ?
Malgré ces signaux positifs, le Tchad n’a pas encore officiellement déposé sa demande d’adhésion. Plusieurs raisons expliquent cette lenteur.
1. Les conditions d’adhésion à l’AES
Selon l’article 11 de la charte fondatrice, tout État souhaitant rejoindre l’alliance doit :
- partager des réalités géographiques, politiques et socioculturelles proches des fondateurs (Mali, Niger, Burkina Faso),
- respecter les principes de souveraineté et de sécurité collective,
- adhérer aux objectifs économiques et de solidarité régionale.
2. Les engagements stratégiques
Les pays candidats doivent s’engager à :
- combattre le terrorisme et la criminalité organisée,
- participer à l’architecture de défense collective,
- inscrire ces engagements dans leur politique nationale.
3. L’intégration institutionnelle
Depuis 2024, l’AES se structure avec :
- une présidence tournante,
- un traité confédéral,
- des organes politiques,
- des projets concrets (banque d’investissement, passeport biométrique, fonds de stabilisation).
Tout nouvel État doit être prêt à aligner ses institutions sur ce modèle.
Une adhésion inévitable mais progressive
Le Tchad semble favorable à rejoindre l’alliance, mais veut avancer prudemment. L’accueil enthousiaste à Niamey et les discussions autour du centre de coordination militaire montrent que le rapprochement est déjà amorcé. Toutefois, l’adhésion officielle nécessitera encore des négociations politiques et institutionnelles.
Pour beaucoup d’observateurs, la question n’est donc pas si le Tchad rejoindra l’AES, mais quand.
Enfin : vers une Afrique souveraine et unie ?
La visite du président tchadien au Niger marque un tournant. Elle illustre une Afrique qui s’émancipe, qui choisit la souveraineté et qui s’oriente vers une coopération régionale solide. L’adhésion du Tchad à l’AES apparaît moins comme une option que comme une nécessité stratégique face aux défis sécuritaires et économiques du Sahel.
Reste désormais à franchir les étapes institutionnelles pour transformer l’intention politique en intégration effective.