Lutte contre le terrorisme : l’AES et la CEDEAO actent une coopération « urgente » malgré les tensions
Face à la montée du terrorisme au Sahel, l’AES et la CEDEAO, malgré leurs profondes divergences politiques, ont décidé de coopérer d’urgence. Réunis à Bamako le 22 mai 2025, les représentants des deux blocs ont acté le lancement de négociations en vue d’une collaboration sécuritaire. Une première tentative de dialogue entre deux visions opposées de l’intégration régionale, mais unies par un ennemi commun.

Bamako, 22 mai 2025 — Dans un contexte marqué par de profondes divergences géopolitiques, la Confédération des États de l’Alliance du Sahel (AES) et la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont annoncé, jeudi 22 mai, leur volonté commune d’engager une coopération urgente pour contrer la menace terroriste croissante dans la sous-région.
Une rencontre inédite à Bamako entre AES et CEDEAO

Réunis à Bamako pour une première session de consultations depuis la sortie officielle du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO en 2024, les ministres des Affaires étrangères de l’AES et le président de la Commission de la CEDEAO ont franchi un pas important vers la normalisation des relations entre les deux blocs.
Selon un communiqué conjoint, les deux parties ont convenu de lancer des négociations formelles pour discuter des « questions d’intérêt commun », notamment dans les domaines politique, diplomatique, sécuritaire, juridique et économique.
Terrorisme : une menace qui dépasse les clivages
Malgré les désaccords persistants autour de l’intégration régionale, la question sécuritaire a fédéré les deux entités. « Les Parties ont exprimé une préoccupation commune sur la situation sécuritaire et sont convenues de l’urgence de travailler à créer les conditions nécessaires à une coopération efficace dans le cadre de la lutte contre le terrorisme », souligne le communiqué.
Cette position partagée illustre un réalisme stratégique : face à des groupes armés transnationaux opérant au-delà des frontières étatiques et institutionnelles, ni l’AES ni la CEDEAO ne peuvent faire cavalier seul. La menace djihadiste, notamment au Liptako-Gourma, impose une coordination au-delà des différends politiques.
AES vs CEDEAO : deux visions, un ennemi commun
Depuis la formation de l’AES, qui regroupe les régimes militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger, les tensions avec la CEDEAO se sont accentuées. L’organisation ouest-africaine a notamment condamné les prises de pouvoir par la force et imposé des sanctions, tandis que l’AES revendique une souveraineté sécuritaire et politique totale, s’éloignant des influences extérieures jugées néocoloniales.
Cette rencontre bilatérale marque toutefois un tournant diplomatique, suggérant qu’une coopération pragmatique est encore possible, même dans un climat de refondation géopolitique en Afrique de l’Ouest.
Une coopération à définir
Le communiqué de Bamako insiste sur le « lancement des négociations » plutôt que sur des accords concrets. À ce stade, aucun détail opérationnel sur la nature de la coopération antiterroriste n’a été divulgué. S’agit-il d’un échange de renseignements ? D’opérations militaires coordonnées ? De dispositifs conjoints de sécurisation des frontières ? L’avenir le dira.
Néanmoins, les signataires ont salué « l’esprit de fraternité et de responsabilité » ayant animé cette première rencontre, promettant de poursuivre le dialogue, dans l’intérêt des populations ouest-africaines.
Enjeux régionaux et intérêts convergents
Cette annonce intervient à un moment critique : la CEDEAO tente de préserver son unité, fragilisée par les départs en série. Le maintien de la libre circulation des personnes et des biens est également un enjeu majeur. Les échanges commerciaux, les déplacements des citoyens et la stabilité économique de toute la sous-région sont directement affectés par les tensions politiques.
Conclusion : vers une nouvelle architecture sécuritaire en Afrique de l’Ouest ?
La déclaration conjointe du 22 mai 2025 pourrait inaugurer une nouvelle ère de coopération sécuritaire en Afrique de l’Ouest, même si les contours restent flous. Entre volonté de rupture politique et nécessité de convergence sécuritaire, l’AES et la CEDEAO entament une difficile mais indispensable cohabitation géopolitique.
