Or en Côte d’Ivoire : Découverte majeure à Doropo, mais qui contrôle vraiment les richesses du pays ?
La découverte d’un immense gisement d’or dans le département de Doropo, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire, suscite espoir et enthousiasme. Mais derrière les promesses d’emplois et de développement, une réalité dérangeante persiste : ce sont encore des entreprises étrangères qui explorent, et exploitent nos ressources. À quand une véritable souveraineté ivoirienne sur le sous-sol national ?

Un nouveau gisement de classe mondiale révèle une urgence : reprendre la main sur notre sous-sol
Abidjan, 17 juin 2025 – Un gisement d’or exceptionnel, estimé à 100 tonnes, vient d’être découvert dans le département de Doropo, au nord-est de la Côte d’Ivoire, frontalier avec le Burkina Faso. La société australienne Resolute Mining prévoit d’investir 300 milliards de francs CFA pour exploiter cette future mine, avec une mise en service prévue d’ici 2028. Cette nouvelle, perçue comme une bouffée d’oxygène pour une région parmi les plus pauvres du pays, interroge pourtant sur un point fondamental : la souveraineté ivoirienne sur ses ressources naturelles.
🌍 Une manne aurifère pour qui ?
Selon le gouvernement ivoirien, le projet dans le département de Doropo devrait générer 3 000 emplois directs et des retombées fiscales évaluées à 300 milliards de francs CFA. À Doropo, les espoirs sont grands : activités pour les jeunes, lutte contre l’orpaillage illégal, amélioration potentielle des infrastructures sociales. Des ONG locales saluent l’initiative, tout en appelant à la vigilance sur la préservation de l’environnement et l’indemnisation des propriétaires terriens.
Mais derrière l’enthousiasme médiatique, une question cruciale reste posée : à qui profitent réellement ces découvertes ? Et surtout, pourquoi la Côte d’Ivoire ne réalise-t-elle pas elle-même l’exploration et l’exploitation de ses ressources ?
📉 Une dépendance technico-financière chronique
La mine de Doropo n’est que la dernière d’une longue série. En 2024, deux autres gisements majeurs avaient été révélés : Tanda (155 tonnes) par Endeavour Mining et Koné (155 tonnes) par Montage Gold. À chaque fois, des sociétés étrangères – australiennes, canadiennes, britanniques – sont à l’origine des recherches, de l’évaluation des réserves, de l’investissement, et bien entendu, de la majorité des bénéfices.
Ce modèle de développement, basé sur la délégation de l’exploration et de l’exploitation à des multinationales, reproduit les schémas de dépendance postcoloniale. La Côte d’Ivoire devient spectatrice de la valorisation de ses propres richesses, incapable de connaître avec précision ce que contient son sous-sol, ni d’en fixer les termes économiques, écologiques ou sociaux.
⚠️ Contrôler la découverte, c’est contrôler la richesse
La véritable souveraineté minière commence dès la prospection. Celui qui découvre détient l’information stratégique, oriente les négociations et choisit les conditions d’extraction. Aujourd’hui, le pays se prive de cette puissance. À force de confier ses ressources aux autres, il se condamne à ne récolter que des miettes de leur exploitation.
Il est temps que l’État ivoirien développe une agence nationale de géologie indépendante, dotée d’un financement solide, de compétences locales et de partenariats Sud-Sud, pour entreprendre lui-même la cartographie, l’analyse et la certification de ses gisements. Sans cela, l’idée d’une souveraineté économique restera un vœu pieux.
💬 Un développement local à double tranchant
Certes, les projets miniers génèrent des emplois et des infrastructures dans des zones marginalisées. Mais ils entraînent aussi des risques : pollution, conflits fonciers, expropriations, exploitation sociale. La ruée vers l’or peut aggraver les inégalités si les richesses extraites quittent le pays sans véritable redistribution locale.
Pour éviter cela, il est indispensable de réformer le code minier ivoirien, de renforcer la transparence fiscale, et d’exiger des entreprises étrangères des contrats équilibrés, incluant la transformation locale et un partage équitable des profits.
Il est temps que la Côte d’Ivoire fore pour elle-même
La Côte d’Ivoire ne manque ni de richesses, ni d’opportunités. Ce qui lui manque, c’est la volonté politique d’en prendre le contrôle total. La découverte de Doropo doit être l’occasion de repenser radicalement la politique minière nationale : formation, équipements, transparence, souveraineté.
Car si l’on ne contrôle pas ce qui sort de notre sol, alors à quoi bon parler d’émergence ou d’indépendance ?