Thomas Sankara : Quand la pensée devient action
Thomas Sankara n’était pas seulement un homme politique ou un révolutionnaire. Il était un penseur en action, un philosophe du quotidien, un humaniste radical

Thomas Sankara n’était pas seulement un homme politique ou un révolutionnaire. Il était un penseur en action, un philosophe du quotidien, un humaniste radical.
Dans un monde marqué par l’injustice, la corruption et l’oubli de l’autre, Sankara a incarné une quête rare : celle d’une vie pleinement alignée avec des valeurs. Il a posé une question simple, mais vertigineuse : et si l’on pouvait gouverner avec éthique ?

Né le 21 décembre 1949, Thomas Sankara n’a pas hérité d’une fortune ni d’un empire, mais d’un monde fracturé, enchaîné par le colonialisme, la pauvreté et l’ignorance. Très jeune, il s’est intéressé aux penseurs marxistes, existentialistes et panafricanistes. Ses discours sont traversés de références à Frantz Fanon, Marx, mais aussi à une sagesse africaine ancestrale qui valorise l’harmonie et la dignité.
Il croyait que l’homme libre ne se définit pas par ce qu’il possède, mais par ce qu’il ose défendre. Sa vie a été une constante méditation incarnée sur la liberté, la responsabilité et la justice.
Pour Sankara, la politique ne devait pas être un exercice de pouvoir, mais un acte de service. Il affirmait que « celui qui vous nourrit vous commande », et c’est pourquoi il appelait à l’autosuffisance alimentaire, économique et culturelle. Ce n’était pas seulement un choix pragmatique, mais un acte de libération morale.

Refuser la dette, c’était plus qu’un acte économique : c’était une déclaration de dignité, un refus de la servitude volontaire. Il ne s’agissait pas de rejeter le monde, mais de retrouver une souveraineté intérieure, celle qui permet à un peuple de dire « non » à l’humiliation, et « oui » à sa propre histoire.
La vraie révolution, pour Sankara, ne se faisait pas d’abord dans les rues ou les palais, mais dans les cœurs et les consciences. Il disait : « La révolution est d’abord et avant tout une révolution des mentalités. »

Il appelait les Burkinabè à se libérer du fatalisme, à retrouver la confiance en soi, à croire qu’un avenir différent était possible. Il prônait une transformation intégrale de l’être, où l’homme n’est plus spectateur de son malheur, mais acteur de sa dignité retrouvée.
Sankara aurait pu céder aux privilèges. Il aurait pu s’enrichir, se taire, composer avec les puissances étrangères. Mais il a choisi la voie étroite de l’intégrité. Il vivait dans la sobriété, refusait les privilèges, se déplaçait en vélo ou en Renault 5, portait la même tenue que ses soldats.
En cela, il incarnait une éthique du sacrifice, au sens noble du terme : le don de soi pour une cause plus grande. Comme les sages stoïciens, il croyait que l’homme libre est celui qui n’est pas esclave de ses désirs, mais fidèle à sa conscience.

Assassiné le 15 octobre 1987, Sankara a physiquement disparu. Mais son esprit demeure. Il est devenu un archétype : celui du dirigeant-philosophe, du guerrier éthique, du sage moderne. Son message traverse le temps, non parce qu’il a imposé une idéologie, mais parce qu’il a touché une vérité humaine universelle : la dignité ne se négocie pas.
Enfin, Thomas Sankara n’est pas un mythe figé. Il est une interrogation vivante.
Son héritage n’est pas un modèle à copier, mais une voix intérieure à écouter. Une voix qui nous rappelle que le vrai courage n’est pas de conquérir le monde, mais de ne pas trahir ses valeurs, même quand le monde vous abandonne. « Osons inventer l’avenir », disait-il.
Mais avant tout, osons être nous-mêmes : debout, dignes, et libres.